Account
Please wait, authorizing ...
Not a member? Sign up now
×

Sidebar

10
Ven, Mai
0 Nouveaux Articles

SENETOILE BLOGS

Ici vous pouvez vous informer et poster librement votre blog. Créez votre compte utilisateur, c'est rapide et gratuit.
Fast backlinks and Guest-post hosting

RENCONTRE AVEC… DOM PEDRO, RÉALISATEUR ET PRÉSIDENT D'IMAGES & SONS D'ANGOLA «Regardons devant nous…»

African Global News 

Né en Angola, dans la province d'Uige, au nord du pays, il s'appelle Dom Pedro. Les Espagnols auraient dit Don, mais là nous sommes en territoire sous influence portugaise ; d'où l'adaptation de la lettre. L'allure est tranquille pour un homme qui a connu l'époque coloniale et quitté l'Angola des grosses promesses de son enfance qui se déchire. Aujourd'hui, installé en France, il analyse la situation économique, politique et sociale de son pays sous le prisme de l'image, du son, pour ne pas dire simplement du cinéma. Réalisateur et Président d'Images & Sons d'Angola, il semble que la rupture ne s'est pas jamais opérée avec ce pays qu'il aime tant. Kongo et Bantu, Dom Pedro est  un homme d'Afrique et du monde. Auteur du film « Tango Negro, les racines africaines du Tango », l'histoire est simple pour ce garçon affable et plein d'humour qui pose un regard lucide sur un univers plein de surprises et auquel il attribue l'origine du Tango et son évolution depuis l'Afrique jusqu'aux profondeurs de l'Amérique latine.  

 

Images et sons d’Angola. Si on vous demandait de détailler un peu le concept ?

 

 
 
Depuis l’extérieur j’ai observé un grand nombre de situations, dont la détérioration de l’image de mon pays, notamment bafouée par des guerres successives, reste l’une des plus choquantes. A un moment donné, il m’a paru nécessaire de remédier à cela, surtout après l’instauration de la paix, il y a seulement 12 ans. Ce concept a donc été mis en place pour servir de tremplin afin d’apporter une réponse à ce manque. Et le manque, c’est aussi l’ignorance de beaucoup de gens qui, à travers le monde, mesurent mal l’importance culturelle d’un pays comme le mien. Et, en tant qu’artiste qui aime son pays et son continent, mon devoir est de contribuer à son rayonnement.
 
Vous êtes Angolais, parlant portugais et vivant en France. Peut-on parler des mutations vous concernant. De quand date votre rencontre avec le cinéma ?
 
Il y a eu des circonstances dans ma vie, notamment au cours de mon cursus universitaire, qui m’ont fait basculer vers le 7ème Art. Même si, il est vrai, que j’avais fait déjà le théâtre dès ma jeune enfance. En tout cas,  je ne regrette pas d’avoir choisi le Cinéma. « Mutation », ce n’est pas le mot que j’utiliserai ; parce que, au fur et à mesure, je me rends compte que ce que je fais semble correspondre à ma nature. C’était le chemin qu’il fallait suivre pour me retrouver naturellement. Et, malgré tout, je prends réellement beaucoup de plaisirs à m’y exprimer.
 
L’Angola, dans l’imaginaire africain ressemble à un pays à part riche de son pétrole, mais pauvre par sa population. Longtemps en guerre pour son indépendance et sa stabilité, on a du mal à positionner la  culture de ce pays sur l’échiquier africain. Parlez-nous un peu de l’Angola qu’on a souvent tendance à ne simplement apprécier que pour sa production de pétrole ?
 
Cette question est très pertinente… c’est vrai, il m’arrive d’évoquer cette question au cours de certaines conférences. Beaucoup de personnes, même celles de ma profession, ne jugent mon pays qu’en fonction de son pétrole et/ou ses diamants ! Pourtant l’Angola est un pays qui a apporté à travers le monde de multiples valeurs culturelles. Il faut bien comprendre que, au-delà de ses richesses naturelles, mon pays est une grande nation dont les valeurs culturelles sont éparpillées à travers le monde entier. Mais avec la guerre que vous avez soulignée, il ne nous a pas été facile de mettre en place de vraies structures devant contribuer à la réappropriation de ces valeurs qui sont finalement la propriété intellectuelle des Angolais. Beaucoup les utilisent et s’en enorgueillissent sans en déclarer la paternité angolaise. Et le concept « d’Images & Sons d’Angola », dont je suis le Président-Fondateur, s’appuie sur ce principe afin que, justement, le pays puisse bénéficier du rayonnement de ces valeurs authentiques véhiculées dans moult pays du monde. 
 
En fait, « Images & Sons d’Angola» est là, non seulement pour contribuer à l’amélioration de l’image de notre pays longtemps écornée par son passé sombre, mais aussi pour mettre en exergue toutes les valeurs culturelles originaires de l’Angola.  Cette structure associative à but non lucratif étant un espace de création artistique, la nature de ses activités passe essentiellement par la production de films documentaires et/ou de fiction en phase avec les réalités passées, présentes ou à venir du pays. Ce qui bien évidemment demande beaucoup de moyens. ; c’est en fait tout mon univers… Mais, comme disait Pier Paolo Pasolini,  le célèbre cinéaste italien, « La Culture est la résistance à la diversion » ; on peut donc y ajouter que « la Culture n’est pas une dépense, c’est un investissement pour l’avenir. » Justement, j’ai personnellement tendance à dire que, pensant aux nouvelles générations, il faut absolument investir dans la Culture pour les préparer à affronter avec confiance l’avenir, en héritant de bonnes bases et de repères pour leur éducation.
 
Vous êtes cinéaste, vous êtes aussi grand défenseur d’une Afrique plurielle. D’où vous vient cette passion pour le continent et ses enfants ?
 
Là, c’est un compliment que vous me faites pour me faire rougir ! Si, j’essaye d’apporter à mon humble niveau ma contribution au continent africain ; car l’Afrique, qui est multiple, reste néanmoins une est indivisible. Par conséquent, elle doit avoir le reflexe de se réunir afin de considérer tous ses enfants au sein d’un même espace, d’un même nid d’oiseau avec pour finalité la création de ce que l’on pourrait appeler les « Etats-Unis d’Afrique » ! Ainsi, dans cette optique, ces enfants se doivent de servir leur terre-mère pour l’aider à mieux se tenir face aux différents ouragans susceptibles de la menacer.  Bien entendu, pour être fort, chacun de nous a pour mission première de regarder et de balayer devant sa porte. Si les autres arrivent à le faire, pourquoi pas nous ? Un peu de volonté…
 
Dans votre film Tango Negro, récemment diffusé au festival « Vues d’Afrique », à Montréal, vous vous lancez dans une sorte de redressement historique en renvoyant les origines du tango souvent laissées à l’Argentine, aux civilisations venues d’Afrique. D’où vous vient cette vérité ?
 
Avant de saisir cette vérité, c’est d’abord l’idée qui a jailli… Et, cette idée, qui vient du fond des âges, a déclenché ma curiosité pour essayer de creuser un peu afin d’en savoir un peu plus. Car chacun sait que nombre de mots d’usage dans la culture populaire ou religieuse des Amériques ont une résonnance africaine. De ce fait, en tant qu’Angolais faisant partie du groupe linguistique Kongo, et la langue originelle de l’Ancien Royaume du Kongo étant Kikongo, que je parle, et dont l’influence s’étend pratiquement dans toutes les langues de la sphère « Bantu », cela m’a permis de repérer ces mots d’usage auxquels on a été habitués dès notre tendre enfance : Ntangu ou Tango, Nlonga ou Milonga, Ndombe ou Kandombe, Batuke o Batuka, Samba ou Semba, etc… 
 
A partir de là, je n’avais plus aucun doute que l’Afrique avait quelque chose à voir avec le Tango. Dès lors, cette musique que l’on qualifie de « nationale argentine » ne pouvait plus souffrir d’une amnésie quelconque. Ayant fouillé quelques pistes et trouvé quelques documents saisissants, il a fallu ma rencontre avec le Professeur Juan Carlos Caceres pour m’en persuader. Car ce dernier avait, par le passé, consacré plus ou moins 35 ans de recherches sur ce thème ; c’est donc lui qui m’a apporté de l’assurance. Il m’a appris l’histoire de son pays, les habitudes et m’a accompagné tout au long de l’évolution du projet. D’où le film qui a motivé ma présence à Montréal et dans d’autres villes du Canada. Et je l’en remercie. D’ailleurs, à ce propos, je dois également remercier les membres du Jury documentaire Long Métrage de la 30ème édition du festival « Vues d’Afrique " ; car, après délibération, ces derniers ont compris ma démarche en accordant le prix du meilleur film documentaire dans la catégorie internationale à « Tango Negro ». Ce dont je me réjouis, et c’est la preuve que ce thème ne laisse personne indifférent ; c’est une reconnaissance pour mon travail. 
 
Finalement, comme le Brésil, l’Argentine n’est-elle pas un prolongement de l’Afrique ? D’où vous est venue l’inspiration pour faire ce film ?
 
Désormais, vous pouvez le répéter à travers le monde entier, cela ne fait plus aucun doute, on peut effectivement affirmer aujourd’hui, preuves à l’appui, que l’Argentine et l’Uruguay sont deux pays qui rallongent encore un peu plus le continent africain. Alors que, il n’y a pas si longtemps, l’Afrique semblait simplement s’arrêter au Brésil ; les Noirs n’y ayant officiellement jamais été répertoriés : « Il n’y a jamais eu des Noirs en Argentine » ou « Ils y étaient, mais ils ont tous disparu », faisait-on croire au monde entier ! Et pourtant… Voilà l’un des aspects visibles traités dans ce film. Oui ! L’inspiration de ce thème n’est que le reflet d’une manie que je trimballe en moi : je ne peux rester une seconde sans me poser de questions ; et ce, depuis mon enfance. La faute à mon père, car je me souviens que, enfant, il voulait savoir quand allais-je écrire un livre ?! C’était sous la véranda de notre maison, qu’il qualifiait de « Vula » (Villa), et je n’avais à peine que 5 ou 6 ans ! Cette question m’a poursuivi tout au long de ma vie, l’Angola ne saignait pas encore, même si les soubresauts des troupes portugaises commençaient déjà à se faire sentir ; plus personne ne se doutait de rien, les patrouilles devenaient régulières. Aujourd’hui, je crois avoir compris le sens de la question de mon illustre Père.  Je l’en remercie, car tout ce que je fais est en relation avec ce à quoi il croyait. Je m’aperçois de sa grandeur d’esprit et de son action anonyme. De même que ma mère d’ailleurs, qui était sa complice.
 
Vous vous battez aussi, au-delà du cinéma, pour une Angola francophone. Quelles raisons justifient ce choix ?
 
Me battre « pour une Angola francophone » ! Non, simplement il est à constater que la multiplicité de langues officielles de communication : anglais, français, portugais, espagnol héritées de la colonisation, en Afrique subsaharienne, n’est pas de nature à nous faciliter la tâche pour nous unir. Il ne faut donc pas s’étonner si, parfois, nos Etats semblent avoir du mal à s’accorder réellement. Dès lors, on s’aperçoit que le continent est totalement scindé en deux blocs linguistiques : anglophone et francophone. Pendant que la partie lusophone, qui ne sait toujours pas sur quel pied danser, se cherche en permanence afin de trouver où se placer sur l’échiquier continental ou international. Quant au seul pays hispanique, n’en parlons pas… Et pourtant, lorsque l’on s’y penche minutieusement, il est à constater que les pays latins dans cette partie du continent sont très majoritaires par rapport à la zone anglophone. Il faut, à mon avis, instaurer l’appellation des « Pays Latins » à la place de la Francophonie pour que le Français, qui est en permanence menacé, ait de bonnes chances de résister réellement afin  de survivre, de ne pas être balayé. Ainsi, des pays comme le mien n’auront plus aucune difficulté à être considéré comme parlant aussi français. Car il y a un grand nombre d’Angolais qui s’expriment parfaitement en français… C’est une donnée à ne pas négliger, en cette période de mondialisation.
 
La jeunesse angolaise et africaine aspirent à plus de démocratie, à l’éducation et à la culture. Ne pensez-vous pas que face à cette explosion du culte de l’image et du son, le cinéma est un vecteur essentiel pour décomplexer et aider cette jeunesse à s’émanciper ?
 
 
Je vous l’ai dit, j’accorde une grande importance aux nouvelles générations, qui doivent être aidées pour trouver des repères et continuer sur les traces des leurs aînés. Pour cela, le cinéma ou l’audiovisuel peut effectivement nous y aider ; car ce sont des outils de transmission très efficaces, surtout en l’état actuel du monde. Et puis, il y a un aspect qui, souvent, échappe à beaucoup des nôtres : le taux éloquent d’analphabétisme dans plusieurs pays de l’Afrique Sub-saharienne. De ce point de vue, l’image aurait une importance capitale pour aider cette jeunesse ou les moins jeunes à s’émanciper. Et ce n’est pas tout ; il faut avant tout que nos gouvernants comprennent l’importance de l’image (cinéma et audiovisuel) et, surtout, en sachent l’utilité dans nos sociétés. Quant à la notion de la démocratie, je vais simplement dire que, dans l’Ancien royaume Kongo, qui était un Etat fédéral, le Roi ne prenait jamais une décision sans au préalable consulter les représentants régionaux. Toutes les décisions étaient prononcées après concertation avec le Conseil réuni autour du Roi. Et, chose rare ou unique, que l’on peut voir nulle part ailleurs, à chaque Conseil, le Roi du Kongo était toujours accompagné, à sa gauche, de sa femme. C’est vous dire à quel point on considérait déjà nos femmes dans l’application de la « démocratie » à laquelle on assiste un peu partout. Par conséquent, lorsqu’il s’agit de copier, il faut bien s’appliquer, sinon on fait fausse route. Pas de leçons ; donc, on a souvent tendance à regarder ailleurs… Non, il serait temps de nous ressaisir, regardons devant nous. Chez nous. 
 
Si on vous demandait de parler de votre enfance. Pourquoi avoir choisi la France quand d’autres vont plus naturellement à Lisboa ?
 
Comme j’en ai fait allusion, tout au début, je suis né au nord de l’Angola, dans la province d’Uige, dont la capitale régionale s’appelait Carmona. J’y ai chanté l’hymne national portugais comme d’autres chantaient la Marseillaise. Mais, après l’indépendance, la ville a été débaptisée et a pris le nom d’Uige. Ce n’était pas un choix, pour venir en France, la situation de mon pays était telle que, pour se mettre à l’abri, il fallait aller le plus loin possible. Et, le plus loin que j’avais trouvé « accidentellement », c’était la France, à Paris, où je n’ai jamais bougé ! Aujourd’hui,  je fais cependant partie de la tranche où les autres vont à la retraite ! Comme je n’y pense pas, ceci peut expliquer cela. Je fais ce que je peux au moment où je peux le faire. Sinon, pour le reste, je laisse la nature me guider. Merci de m’avoir donné la parole. Longue vie à votre journal.
SOURCE:http://www.sudonline.sn/regardons-devant-nous_a_19162.html
Khalifa Sall écarte Aïssata Tall Sall
Grotte de Ngor : Lumière prophétique